Nous avons eu le plaisir de rencontrer Silke Pan, artiste de cirque, acrobate-équilibriste et "Paraplegic Handstand Performer".
Lors d’une tournée sur un bateau en Italie en septembre 2007, Silke Pan est malheureusement devenue paraplégique, suite à un accident de trapèze. Elle a arrêté le cirque, mais a continué à avancer et n'a pas baissé les bras.
Une carrière de sportive après le cirque
En 2012, Silke Pan participe à la Coupe d’Europe et du monde en handibike. En 2015, elle se fait un nom dans le monde du sport Elite et devient vice-championne du monde en para-cyclisme à Nottwill.
Une envie de remonter sur scène qui se concrétise
Malgré son accident, l’envie de remonter sur les planches et de renouer avec le monde du cirque se fait de plus en plus forte.
Elle découvre, tout à fait par hasard, qu'elle peut tenir sur ses mains malgré son handicap. Quel bonheur !! Alors, comment faire tenir ses jambes, qu’elle ne sent plus, comment faire basculer son corps ?
Son mari réussit à trouver un moyen pour qu’elle puisse garder ses jambes en équilibre grâce à une technique qui permet de rigidifier son corps pendant ses performances. En effet, elle n’a plus de sensation à partir du ventre. Elle a parfois des spasmes pendant la nuit, car les nerfs restent intacts dans le bas du corps, même s'ils ne sont plus reliés à son cerveau.
Le fait de se déplacer souvent et de rencontrer d’autres artistes est quelque chose de stimulant et d’enrichissant pour Silke Pan qui prend énormément de plaisir à rechercher le dépassement de soi. Elle aime créer de nouveaux numéros.
Des entraînements adaptés
Silke Pan essaye de s’entraîner régulièrement, selon sa fatigue et ses déplacements, car elle a besoin de récupérer et de faire des étirements et des massages pour relâcher sa musculature. Cependant, Silke Pan se limite à un jour de repos, sinon les muscles se relâchent trop.
Les entraînements ressemblent à ceux qu'elle suivait en tant qu'athlète en handibike. Ils sont basés sur la force et la résistance, mais sans le paramètre d’endurance, qui consiste néanmoins à tenir en équilibre pendant 15 minutes. Le travail se fait beaucoup sur le haut du corps, le dos et l’équilibre sur les mains. Son corps a dû s'adapter, et ses muscles ont gagné en épaisseur.
TWIICE : une sensation de liberté
Silke Pan a été contactée par l’équipe d’ingénieurs de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne pour participer au développement d’un exosquelette, appelé TWIICE. Les premiers essais n’étaient pas à la hauteur de ses attentes, car étant artiste de cirque, elle aurait voulu danser, sauter sur les trampolines…
C’était une très belle expérience, mais elle n’a pas retrouvé les sensations qu’elle avait quand elle était valide. Elle avait l’impression que ses jambes ne lui appartenaient pas, qu’elles n’étaient pas connectées à son corps. Elle avait l’impression de flotter au-dessus de ses jambes articulées par un mécanisme un peu comme une marionnette. Elle avait du mal à trouver son équilibre, car elle ne ressentait rien au niveau du bassin et des pieds.
Après plusieurs essais, elle a réussi à s’adapter et à manipuler correctement l’exosquelette. Par la suite, elle a réussi à trouver un bon équilibre entre l’apprentissage de la manipulation des commandes et l’aisance pour se déplacer. Et finalement, elle a redécouvert cette sensation de liberté qu’elle avait perdue.
L’exosquelette lui a appris à se reconnecter avec son corps, à prendre conscience de son bassin, de ses jambes sans les sentir. Fin 2022, elle a réalisé, avec beaucoup d’émotions, un rêve : celui de danser avec une compagnie. Elle a pu présenter un spectacle pour le « Robotics Day » avec les danseurs de la compagnie du Ballet des Jardins, au Palais de Beaulieu à Lausanne.
Pour l’équipe d’ingénieurs, ce fut un défi de taille à réaliser, car l’exosquelette n’était pas prévu pour danser, mais pour être utilisé dans la vie de tous les jours. A ce jour, l’exosquelette est en attente des attestations nécessaires pour sa commercialisation.
L'histoire inspirante de Silke Pan témoigne de sa résilience exceptionnelle et de sa détermination à surmonter les défis. Passant du cirque à une carrière sportive après un accident paraplégique, elle a réussi à réintégrer le monde du cirque grâce à sa capacité surprenante de tenir sur ses mains. Ses entraînements adaptés et sa collaboration avec l'exosquelette TWICE démontrent sa persévérance et sa volonté de repousser les limites. En retrouvant la sensation de liberté perdue lors d'une performance de danse avec l'exosquelette, Silke Pan incarne la capacité humaine à se réinventer face à l'adversité.
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Photo credits : Mathias Azéronde et Tania Emery