On les appelle les slashers. Du nom du symbole typographique «slash», qui désigne en anglais la barre oblique. Sur leur carte de visite, ces travailleurs nouvelle génération conjuguent plusieurs activités ; ils sont : couturier "slash" régisseur / ébéniste / prof de guitare.
Une exportation de modèle typiquement américain ? Certes, là-bas, ce mode de fonctionnement est entré dans les mœurs depuis bien longtemps, du fait des difficultés financières de nombre d’Américains.
En d’autres termes, nous pourrions parler de multi-tâches, multi-casquettes, polyvalents. Les causes de ce phénomène sont diverses, mais les observateurs s’accordent pour définir le slashing comme l’avenir du marché du travail. Pour certains, il s’agit d’une nouvelle façon d’entreprendre et de développer sa créativité.
Cette sorte de double vie professionnelle serait en effet voulue et décidée. Elle aurait l’avantage de garantir le beurre et l’argent du labeur : d’un côté, une certaine sécurité alimentaire, de l’autre, la réappropriation du temps pour ses ambitions plus essentielles.
En quête de sens
Il s’agit là d’une philosophie de vie, et non pas d’un cumul d’emplois visant à assurer un gain financier, par nécessité. Une personne qui cumule des emplois précaires à seule fin de nourrir sa famille n’entre pas dans la catégorie des slashers.
Varier les plaisirs en ciblant plusieurs activités qui permettent de se réaliser sur différents plans est de plus en plus fréquent parmi la génération des 20-35 ans.
Ce phénomène dépasse les frontières et, les aspirations sont toujours les mêmes : faire en sorte que notre travail s’adapte à notre vie et non l’inverse.
Par le passé, certains entretenaient une passion parallèle à leur travail et devaient attendre l’âge de la retraite pour s’y consacrer pleinement. Il est en effet devenu beaucoup plus simple, avec internet, de développer et promouvoir un projet, de récolter des fonds, etc. Tout cela depuis chez soi, en dehors des horaires de travail habituels.
Liberté ou nécessité ?
Nous sortons du modèle du salariat unique parce que nous sommes dans une société de discontinuité. Jusqu’aux années 1970, nous visions à la stabilité: être marié, avoir un CDI, être propriétaire de notre logement… Aujourd’hui, nous en sommes sorti,s ce qui signifie discontinuité des couples, des logements et aussi des emplois.
Être slasher, c’est être aux commandes de sa vie professionnelle. Donc c’est avoir plus de responsabilité, comme en a, dans une auto, le conducteur par rapport au passager. Cette responsabilité qui est toujours, au fond, le corollaire de la liberté.
Et si nous redéfinissions nos emplois ?
Qu’est-ce que vous voulez faire plus tard ?
En posant cette question, on s’attend à ce que la personne nous parle de son futur métier. Mais il est difficile de se prononcer, lorsque nous sommes jeunes et qu’on ne nous a pas présenté toutes les possibilités qui s’offrent à nous.
Au lieu de parler de métier, parlons de verbe ! Oui, le verbe, celui qui nous définit !
Aider, communiquer, inventer, chercher, construire, nourrir. Le verbe va tracer les chemins de notre vie.
De nos jours, des ingénieurs quittent leur métier pour être boulangers, des comédiens deviennent pilotes, des avocats se lancent comme activistes dans une association. N’avez-vous pas entendu durant votre enfance qu’il faut choisir d’être soit un littéraire, soit un scientifique – comme si les deux étaient incompatibles ! Et si la véritable vocation de nombreuses personnes était justement les deux ! Faire partie des multi-potentialistes qui s’intéressent à des domaines différents, d’être capables d’aller de l’un à l’autre, de s’adapter à de nouveaux contextes, à d’autres manières, voici le challenge des slasheurs. Des gens qui amèneront le savoir qu’ils ont acquis dans un domaine dans un autre. Des gens qui ouvrent les horizons, qui fabriquent de nouveaux potentiels. Mais, il y a quelque chose qui rend logique leurs bifurcations : leur verbe.
Témoignages
Barbara Bertoli, qui a une âme de « slasheuse », le confirme : « Ma première carrière a été assistante en pharmacie. Après un passage à Radio Lac en tant qu'animatrice, j'ai travaillé comme assistante administrative dans le domaine médico-social. Suite, à un gain inattendu à la « Roue de la Fortune », j’ai décidé de poser mes valises à Paris où j’ai développé un large réseau dans le domaine de l'événementiel et j'ai travaillé dans un hôtel de luxe.
Autodidacte, dynamique, j’aime réunir les gens et trouver des solutions à toutes sortes de demandes ; c’est pourquoi, je travaille en tant qu'assistante personnelle pour divers services de conciergerie. De plus, chaque semestre, avec une amie, nous organisons un événement féminin Dim Dress qui consiste à vendre des vêtements et accessoires de seconde main.
Nous sommes nombreux à être multi-potentiels, je crois que le dénominateur commun c’est d’apporter un peu de « fun », de gaieté, dans la vie de tous les jours. Mon verbe est : réunir et mettre en contact. "
Bertrand Piccard est un psychiatre et aviateur suisse. Il a inventé le premier avion qui vole grâce à l'énergie solaire. Cet homme a soif d’innovation et d’aventure, il aime scruter les domaines inexplorés et il respecte la nature. S’il n’avait pas rencontré un avion un jour, il aurait pu être spéléologue, photographe sous-marin, sauveteur d’animaux sauvage. Dans ce qu’il aurait fait, il aurait cherché l’innovation et l’aventure, car son verbe est innover !
Lena partage le même verbe que Barbara, elle aime mettre en relation les personnes qui font appel à ses services. Mais elle aime également informer, communiquer, enseigner. Elle anime des ateliers sur la connaissance des huiles essentielles, afin de contribuer au bien-être des participants. Elle travaille comme chroniqueuse et rédige des articles sur la vie culturelle genevoise, également pour stimuler les endorphines.
Votre métier est au service de votre rêve. Si le verbe de votre vie c’est aider, vous pourrez autant être avocat, médecin urgentiste ou travailler dans une ONG.
Si c’est transmettre, vous pourrez être enseignant aussi bien que journaliste ou comédien.
Voulez-vous découvrir des choses (archéologue, historien, chimiste, biologiste); voulez-vous en inventer (ingénieur, magicien); voulez-vous les exprimer (écrivain, musicien, artiste), les analyser (éditorialiste, analyste politique, sociologue) ? Voulez-vous soigner, guérir, protéger, défendre ?
Bien sûr, ensuite, il faut affiner. Trouver la matière dans laquelle votre verbe va agir : les mots, le corps, l’image, la nourriture, les animaux. Chacun est plus ou moins sensible à une matière. Vous pouvez être un inventeur génial de jeux vidéo ou de pâtisseries. Vous pouvez combiner vos savoir-faire : créer des jeux vidéo et en faire la musique, sculpter vos pâtisseries en œuvres d’art.
Et puis, il faut se poser aussi la question de votre mode de vie : voulez-vous des horaires fixes ou irréguliers, voulez-vous rester au même endroit ou bouger, travailler à l’extérieur ou dedans ? Et enfin, mais peut-être surtout, savoir au service de quoi vous voulez mettre votre verbe : du système capitaliste de production ou bien d’un autre système basé sur le respect du vivant et l’entraide ?
Dans les deux cas, vous pourrez vous faire valoir, vous dépasser, innover. Demain, le métier ne sera pas nécessairement le centre de nos vies. Il faut trouver un métier qui nous fasse vivre et qui nous laisse vivre. Un métier qui nous laisse le temps d’apprendre, de découvrir, de nous émerveiller, de vivre avec les autres. Qui nous permette d’habiter le temps au lieu de lui courir après.
http://tempsreel.nouvelobs.com/bien
https://www.fer-ge.ch/web/fer-ge/-/le-slashing-est-il-le-futur-du-travail-#.WTfh3uvygdU
https://lareleveetlapeste.fr/trouve-verbe-de-vie-metier-verbe-lettre-bouleversante/
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