La campagne pour le référendum au Royaume-Uni vient de connaître une tournure dramatique et inquiétante avec l’assasinat en pleine rue de la députée travailliste et pro-européenne Jo Cox. Poignardée mortellement par ce qui semble être un homme de 52 ans lié de près à la mouvance d’extrême-droite, ce dernier aurait crié au moment de son acte : « Britain first ! ». La campagne a été suspendue symboliquement quelques jours par le parti travailliste et les conservateurs et vient de reprendre.
Alors que l’enquête progresse et que tous les éléments de ce fait tragique ne sont pas encore connus, la portée symbolique d’un tel acte est très révélatrice des incroyables tensions qui secouent les démocraties d’Europe et d’ailleurs, et plus généralement des montées aux extrêmes et des durcissements invraisemblables observés lors des récentes campagnes politiques. Un bon exemple de ce phénomène est à voir outre-Atlantique dans la campagne pour les primaires américaines, avec les succès qu’ont récoltés les populistes Donald Trump et Bernard (Bernie) Sanders.
Comme il est désormais habituel, les sondages en tous genres sont les grands gagnants de ces élections (et soit dit en passant ce sont surtout les instituts de sondages qui font leurs choux gras avec ces affaires, de même que les spéculateurs financiers en tous genres prêts à amasser des fortunes sur leurs paris en cas de oui ou de non au référendum). Doit-on réellement croire à un brexit qui serait plus proche que jamais ? C’est ce que semblent évoquer plusieurs sondages récents. J’ai toutefois l’impression étrange que l’histoire se répète en permanence et que la presse en général accorde une importance démesurée à ces sondages d’opinion. En effet, il convient de répéter inlassablement que ces derniers ne sont que des photographies de l’opinion à un instant T, ils obéissent à certains codes des instituts de sondages et surtout rien ne garantit que l’opinion des sondés va se confirmer lors du passage aux urnes. Tout ce système de sondages avant une élection n’est ainsi que spéculation sans grand intérêt, mais la presse étant dans la situation économique que l’on connaît et en grand besoin de ventes et bien nous nous y engouffrons tous.
Du côté des marchés financiers, c’est l’incertitude qui prime. Cette incertitude étant la plus grande source d’instabilité en économie, impossible de savoir à ce stade quelles seraient les réactions des marchés dans le monde face à une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Dans le scénario d’une sortie, l’on peut imaginer assez facilement une attaque en règle contre la livre sterling sur le marché des changes ainsi qu’une perte de compétitivité du Royaume-Uni. En outre, même si la city de Londres est dans le trio de tête des places financières mondiales, il est facile d’imaginer la frilosité des investisseurs qui pourrait être la suite logique de ce brexit. La Grande-Bretagne se verrait également prise dans un long casse-tête diplomatique de renégociation des traités avec Bruxelles entre autres.
Les partisans du brexit comme ceux du bremain continueront à se battre jusqu’au verdict des urnes le 23 juin. Quoi qu’il advienne, le symbole même de ce vote ne fait que mettre en exergue les énormes faiblesses structurelles de l’Union Européenne qui semble politiquement plus instable et atone que jamais. L’irresponsabilité de David Cameron, qui a décidé de jouer avec le feu en proposant ce référendum pour des raisons de politique interne pourrait avoir des conséquences bien plus graves qu’escomptées. En effet, nul ne peut prédire à ce stade les conséquences qui seraient celles de ce vote dans un contexte d’inquiétante montée des populismes et des nationalismes en Europe. D’ailleurs, l’histoire de l’Europe a plus que tragiquement démontré que ces nationalismes ne sont que des monstres qui sommeillent, prêts à nous ramener dans l’obscurité à tout instant.
Il convient de garder en tête néanmoins que la Grande-Bretagne est un acteur tout-à-fait à part dans l’Union Européenne. En effet, depuis l’obtention du fameux « chèque britannique » en 1984 par feu Margaret Thatcher et la non-adoption de la monnaie unique, la Grande-Bretagne fait plus ou moins cavalier seul et observe au gré de ses intérêts les évolutions des autres acteurs. Les grandes concessions budgétaires que le Royaume-Uni a obtenues et continue à obtenir de la part de Bruxelles sont pour le moins saisissantes et posent de grandes interrogations sur le traitement à égalité des 27 membres de l’UE. Si le brexit l’emporte le 23 juin, la blessure sera extrêmement profonde et la gueule de bois sévère. Toutefois, cet électrochoc peut être également une opportunité de repenser en profondeur le projet de construction européenne en stade de décomposition avancé et qui a désespérément besoin de perspectives et d'un souffle nouveau.
Sources :
http://www.huffingtonpost.fr/paul-waugh/jo-cox-morte-brexit-royaume-uni_b_10519774.html?utm_hp_ref=france
http://www.cnbc.com/2016/06/16/jo-coxs-tragic-death-may-halt-pro-brexit-momentum-analysts-say.html
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/06/12/97002-20160612FILWWW00090-brexit-tusk-met-en-garde-contre-un-long-divorce.php
Photo : Theophilos Papadopoulos, Flickr, certains droits réservés
Enregistrer