Les ruines de la Grèce antique sont devenues le symbole mondial d’une dette énorme et d’une austérité inimaginables dans le monde moderne. En mai 2018, 19,5% de la population active du pays était sans emploi - et parmi les jeunes, le taux est de 39,7%.
Malgré cela, la Suisse continue sa coopération économique et est le 5ème investisseur étranger direct en Grèce. En effet, 60 entreprises suisses emploient quelque 6 570 personnes et chaque année, plus de 400 000 Suisses passent leurs vacances en Grèce, apportant ainsi une contribution significative à l'économie grecque.
Les relations entre les deux pays relèvent d’une longue tradition et pas uniquement dans le domaine économique.
Peu de personnes savent que la Suisse ne serait sans doute pas ce qu’elle est aujourd’hui, sans le génie de la négociation et l’attachement à la Suisse d’un grec éclairé, Ioannis Kapodistrias.
Par ailleurs, le soutien de la Suisse a joué un rôle important lors de la fondation de la Grèce moderne et Genève a été le foyer du mouvement dit du «philhellénisme». Deux Genevois occupèrent des fonctions importantes dans le nouvel Etat grec. Jean-Gabriel Eynard qui participa à la création de la banque nationale en 1842 et Louis-André Gosse, engagé dans la lutte contre l'épidémie de peste de 1827.
Pour en savoir plus sur ces personnalités que vous découvrirez ci-après, nous avons rencontré Monsieur Ioannis Mallidis, propriétaire de Cartesius.tv, qui produit des documentaires de voyage et travaille également comme guide-interprète en Suisse depuis plusieurs années.
Ioannis Kapodistrias : ministre du Tsar et défenseur de la Suisse
Ioannis Kapodistrias, né à Corfu, était le premier gouverneur du jeune Etat grec indépendant après la révolution de 1821. Mais avant cela, il fut appelé au service du Tsar Alexandre 1er comme Ambassadeur de Russie en Suisse, puis comme Ministre des Affaires étrangères de l’Empire russe.
Après les guerres napoléoniennes, les grandes puissances de l’époque se réunirent à Vienne pour redessiner la carte de l’Europe. Et le sort de la Suisse était plus qu’incertain, elle fut menacée de guerre civile, d’extinction ou bien de désagrégation. Mais par bonheur, le petit Grec était là avec la délégation Russe, comme ministre plénipotentiaire du Tsar Alexandre 1er. Ioannis Kapodistrias se dépensa sans compter pour garantir la cohésion, l’indépendance, instaurer la neutralité de la Suisse et contribuer à la rédaction de la constitution du pays. En ce qui concerne Genève, il a fait beaucoup plus : il a travaillé pour l’intégration du canton de Genève à la Confédération et à l’annexion des communes de Collex-Bossy , Grand-Saconnex, Pregny, Meyrin, Vernier et Versoix, au canton de Genève.
Le pays de Vaud lui est également redevable, puisqu’il insiste avec succès pour que ce territoire devienne un canton souverain.
La ville de Genève, pour l’honorer, lui octroie la citoyenneté d’honneur et donne son nom à un quai, entre le pont de Carouge et celui de la Fontenette, le long des berges de l’Arve.
La maison, où Ioannis Kapodistrias a vécu à Genève, se trouve au 10, rue de l'Hôtel de Ville, avec la plaque : "Ici demeura de 1822 à 1827 Jean Capodistrias de Corfou, ministre du czar Alexandre I aux Congrès de Vienne et de Paris, gouverneur élu de la Grèce affranchie, citoyen de Genève et de Lausanne"
Jean-Gabriel Eynar
Jean-Gabriel Eynar, un financier suisse, participa aux congrès de Vienne et Paris comme secrétaire particulier de Charles Pictet de Rochemont. Là, il fait la connaissance de Ioannis Kapodistrias et se lie d’amitié avec lui. Il s'enthousiasme pour la cause de l'indépendance grecque (1821-1829) et rejoint le mouvement du philhellénisme, dont ils devient coordinateur en Europe.
Pendant la révolution de 1821, il a donné des sommes importantes et est intervenu à plusieurs reprises dans la diplomatie européenne en faveur des Grecs. Il a manifesté un intérêt personnel pour la formation de l’économie nationale grecque et a contribué à la création de la Banque nationale de Grèce, dont il était également un directeur honoraire. En 1847, il paya un demi-million de francs-or de ses propres fonds aux banquiers anglais pour rembourser une partie du prêt accordé à la Grèce en 1832 avec des conditions odieuses pour le peuple.
En son honneur, la Banque nationale de Grèce a nommé "Palais Eynard" le bâtiment qui abrite sa Fondation culturelle, dans le centre d’Athènes. Son nom est également donné à une rue d'Athènes.
Sa maison, le Palais Eynard, abrite aujourd’hui le conseil municipal de Genève, lieu de visite indispensable pour tous les touristes grecs.
Louis-André Gosse
Louis-André Gosse (1791-1873), médecin genevois d'esprit libéral, ému par la misère gui sévissait en Grèce au cours de la guerre d'indépendance, s’y est rendu en 1827, comme mandataire du comité philhellénique genevois, pour se mettre au service du jeune Etat.
A côté de tâches administratives — celle de commissaire de la flotte, puis de collecteur des impôts — il prend une part active, dès le printemps 1828, à la demande du président de la Grèce, Ioannis Kapodistrias, dans la lutte contre l'épidémie de peste gui éclate à ce moment-là. Louis-André Gosse a voyagé avec lui dans toutes les régions (principalement Poros, Egine et Mégare) pour tenter de combattre la maladie. Malheureusement, dans cet effort et dans des conditions défavorables, il a lui-même souffert de fièvre en août 1828.
Dans sa lettre, Ioannis Kapodistrias lui a écrit: "Vous avez fait beaucoup plus, vous avez sauvé de la mort un grand nombre d'habitants de Poros à cette époque des fièvres malignes, même si vous avez été vous-même victime ».
Louis-André Gosse a quitté la Grèce en été 1929, mais il ne l’a jamais oublié.
Il a continué en tant que membre du Comité des philhellènes de Genève à envoyer de l'argent et il a entretenu une correspondance régulière avec Ioannis Kapodistrias.
Il a décrit les symptômes de l'épidémie et les thérapies qu'il a suivies en Grèce pour les combattre dans des études médicales publiées en Suisse. Ces études ont été des sources d'information importantes au XIXe siècle pour le traitement de la peste.
Le portrait de Louis-André Gosse par Jacques-Laurent Agasse (1767-1849) se trouve au Musée d'Art et d'Histoire de Genève.
Depuis que la Grèce est devenue un État indépendant, elle a connu des hauts et des bas; deux guerres mondiales, l'occupation allemande, une guerre civile et une dictature, et elle a pu s’en sortir.
Le pays est à nouveau testé, cette fois avec une crise financière. Mais, il ressuscitera comme il l’a fait dans le passé. Le plus important, en ce moment difficile, est l’unité de l’Europe et la Suisse restera un ami historique.
L’association « Jean-Gabriel Eynard », fondée à Genève, près la première guerre mondiale, œuvre toujours pour la promotion de la connaissance hellénique, l’encouragement de l’enseignement de la langue grecque et elle subventionne ou édite des publications relatives au monde grec.
Sources :
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F3355.php?topdf=1
https://www.eda.admin.ch/countries/greece/en/home/switzerland-and/ioannis-kapodistrias.html
https://www.eda.admin.ch/dam/countries/countries- content/greece/fr/Georges%20Pop_Capodistrias.pdf
https://www.napoleon.org/en/history-of-the-two-empires/articles/capodistrias-and-the-independence-of-switzerland/
https://www.letemps.ch/economie/grece-jeangabriel-eynard
https://www.amities-grecosuisses.org/files/2016/11/DESMOS_no_41_2008.pdf