Nous avons eu l’opportunité d’interviewer Christian Campiche, journaliste et écrivain, fondateur du journal d’info « Infoméduse », afin d’en savoir plus sur sa vie et sa carrière, évoquant sa vocation d’écrivain, mais aussi les défis et les joies du journalisme, l'impact de la technologie sur la littérature ou encore l'influence de la culture.
Devenir écrivain : une décision ou un destin ?
Pour Christian Campiche, écrire a toujours été une vocation naturelle. Né à Budapest, il a beaucoup voyagé dans sa jeunesse, une expérience qui lui a donné une perspective unique. "Depuis l’enfance, j’ai toujours aimé écrire et beaucoup lire," raconte-t-il. À un moment donné, il a compris qu’écrire des livres seuls ne suffirait pas pour subvenir à ses besoins, ce qui l’a conduit, à 30 ans, à embrasser le journalisme. "J'ai décidé de me lancer dans le journalisme, une décision que j'ai prise sur le tard. Je ne l'ai jamais regretté."
Ce n’est qu’à partir de 45 ans que Christian Campiche commence à écrire des essais, suivis plus tard par des romans. Il explique : "Devenir écrivain est, au fond, une envie profonde de s’exprimer, mais on n’est jamais vraiment sûr d'y parvenir." Aujourd’hui, il est l’auteur de plusieurs romans et reste convaincu que c'est ce moyen qu'il préfère pour s'exprimer pleinement.
Journaliste et écrivain : des métiers complémentaires mais distincts
Bien que les carrières de journaliste et d'écrivain puissent sembler liées, Christian Campiche les considère comme fondamentalement distinctes. "Être journaliste peut offrir certains atouts pour devenir écrivain, mais ce n'est pas une garantie de succès," dit-il.
En tant que journaliste, il est limité par des contraintes et un cadre précis, alors que l'écriture littéraire permet une liberté créative indiscutable. "Écrire un livre nécessite de se laisser complètement porter par sa propre manière d’écrire, sans penser constamment à son public."
L'influence d'Internet sur la littérature : Une nouvelle ère numérique
Avec l’avènement d’Internet et des nouvelles technologies, le paysage de la littérature a considérablement changé. Christian Campiche note que l’écriture est devenue "beaucoup plus nerveuse et rapide, alors qu’"autrefois, l’écrivain était souvent représenté comme un solitaire dans un cadre paisible, comme Voltaire dans son château. Il écrivait tranquillement toute la journée, avec une tasse de thé à ses côtés. "
Il reconnaît aussi les avantages de l’ère numérique : "Internet a radicalement transformé la manière de travailler des écrivains, surtout en ce qui concerne la recherche d'informations." Toutefois, il reste vigilant quant aux dangers posés par la technologie, notamment l'intelligence artificielle (IA).
Les dangers du plagiat et de la fraude à l'ère de l'intelligence artificielle
L'IA pose des questions éthiques sérieuse dans le domaine de l'écriture et de la création. Christian Campiche se dit "très critique" à son égard, surtout parce que l'IA peut générer des textes en imitant le style d'auteurs célèbres, engendrant des risques considérables de plagiat et de fraude. "L'IA permet à des individus de devenir célèbres en copiant le travail d'autres écrivains, créant ainsi une confusion massive dans le monde littéraire."
"Le défi actuel est de mener une réflexion collective au niveau des États," souligne-t-il, indiquant que l’ONU pourrait jouer un rôle crucial pour établir un nouveau contrat social qui protège la création artistique. " En fin de compte, il s'agit de décider du type de société que nous voulons créer, en prenant en compte les impacts de l'IA et d'autres technologies émergentes. ", conclue-t-il.
Le provincialisme culturel : un frein à l'épanouissement littéraire en Suisse
Christian Campiche souligne le manque de reconnaissance des écrivains locaux en Suisse romande, qu’il attribue à un certain provincialisme culturel qui freine l’épanouissement culturel. "Il manque cette reconnaissance et cette solidarité entre les auteurs," observe-t-il. Comparant la Suisse au Portugal, où les poètes sont respectés et valorisés, il note que la culture suisse a du mal à s’émanciper de ses propres limitations. En effet, " il y a pourtant un véritable esprit poétique et de nombreux poètes et artistes talentueux en Suisse romande. Cependant, leur valorisation laisse à désirer, notamment dans les médias et les événements culturels ", ajoute-t-il.
Christian Campiche souligne que la Suisse, en raison de sa population limitée, pose des défis uniques pour les auteurs cherchant à atteindre un large lectorat. "En Suisse romande, par exemple, il y a environ un million et demi d’habitants, ce qui n’est pas suffisant pour faire vivre un auteur," explique-t-il. Cette fragmentation est accentuée par la diversité linguistique du pays, avec le français, l'allemand, l'italien et le romanche, compliquant ainsi la diffusion et la reconnaissance des œuvres locales.
Christian Campiche remarque que bien que certains auteurs suisses aient réussi à percer à l'étranger, notamment en France, en Allemagne ou en Italie, ils restent une minorité. "Le marché suisse est fragmenté et cela n’encourage pas une création littéraire florissante," ajoute-t-il.
Il souligne également le rôle positif des mariages mixtes et de la tradition d'accueil en Suisse, qui contribuent à une culture multiculturelle enrichissante.
Un engagement pour la liberté d'expression et contre la censure
"En tant qu’auteur, j’ai publié chez plusieurs éditeurs, et la diffusion en France reste un défi. Les livres suisses sont mal distribués en France, ce qui limite leur impact", nous explique Christian Campiche.
Pour l’écrivain, les défis en Suisse ne se limitent pas à la reconnaissance des auteurs locaux ; il y a aussi le problème de la censure. Il cite son propre exemple avec un livre coécrit sur les médias suisses, "boycotté en Suisse romande parce qu’il critiquait les grands groupes de presse." Selon lui, la censure entrave la liberté d’expression et empêche une véritable évaluation des œuvres littéraires basées sur leur mérite.
L'importance de la musique dans la vie et l'œuvre de Christian Campiche
La musique occupe une place spéciale dans la vie de l’auteur. Ayant grandi dans une famille où la musique était très présente, il a composé environ soixante chansons. En effet, sa mère était hongroise, et la musique occupe une place très importante dans ce pays.
"Ma passion, c'est d'abord de chanter," dit-il. "J'ai beaucoup composé ces dix dernières années et réalisé trois CD. J'ai collaboré avec deux paroliers talentueux, les écrivains Pierre Rottet et Emilie Salamin-Amar, et donné des concerts, " ajoute-t-il.
Il apprécie particulièrement de mettre en musique les paroles d'autres poètes, créant ainsi une harmonie poétique unique. "Par exemple, j'ai composé une mélodie pour des poèmes d'Alfonsina Storni, une poétesse argentine d'origine tessinoise, cette chanson compte parmi mes préférées, " nous dévoile-t-il.
La discipline et le talent : Les piliers de Christian Campiche
La discipline est indispensable. Il faut accepter de sacrifier certaines choses pour avoir le temps d'écrire. Quand j'ai commencé à écrire des livres à 45 ans, mes enfants étaient encore adolescents. Le soir, à 21h, je leur disais bonne nuit et je m'isolais pour écrire. Maintenant, mes enfants sont grands et indépendants, ce qui me permet d'écrire de manière plus spontanée et improvisée.
Mais il faut aussi du talent, un don de la nature qu'il faut remercier et mettre au service des autres. Comme dans la musique, j'essaie de donner du bonheur aux gens à travers mes livres, en leur offrant quelque chose de didactique, basé sur mon expérience personnelle ou un idéal. Avoir un idéal est crucial dans tout ce que j'entreprends, et je suis reconnaissant pour ce que la vie m'a offert.
La création artistique : une passion qui ne connaît pas d'âge
Pour Christian Campiche, la création artistique est une vocation qui transcende l'âge. "Tant que Dame Nature me permettra de garder les idées claires, je continuerai à écrire, faire de la musique et peindre," déclare-t-il. À 76 ans, il reste actif tant sur le plan littéraire que musical, trouvant dans la création une source inépuisable de bonheur et d'accomplissement. Sa famille nombreuse le stimule également mentalement et jouer de la musique avec son petit-fils de 14 ans, par exemple, est une source de bonheur
Le parcours de Christian Campiche témoigne que le talent et la discipline peuvent conduire à une carrière fructueuse et épanouissante. Son engagement envers la liberté d'expression, sa critique des dangers technologiques, et sa passion pour la musique montrent qu'il est bien plus qu'un simple journaliste ou écrivain. Il est un véritable créateur, profondément engagé dans la défense de la culture et de la liberté en Suisse et au-delà.
Article du même auteur :
La Fondation Hirondelle : Promouvoir la transparence et l'honnêteté dans le journalisme
Au cœur des montagnes kirghizes : Bernard Repond et l'héritage de « Pamir's bridges »
Isabelle Falconnier : médiatrice passionnée entre culture et médias
Genève, berceau des débats: Le rôle du Club Suisse de la Presse
La Maison des Associations, un lieu d’échange et de création : interview de Hervé Pichelin
Thérèse Obrecht, ancienne présidente de « Reporters sans frontières Suisse» : entre défense de la liberté d’expression et réalités des médias
Du rêve de Philip Queffelec à la réalité entrepreneuriale : L’envol de SPARFELL
Credit photo : Zhenshibek Edigeev,