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Transport aérien zéro-fuel : entre fiction et réalité

Écrit par Mouniah El-Shikh
Paru le 5 octobre 2015

Vous souvenez-vous du vent de panique qu’avait provoqué l’éruption du volcan islandais en 2010? Eyjafjallajökull ayant dispersé ses cendres dans l’air, les 2/3 des avions s’étaient vus cloués au sol pendant 6 jours, faisant perdre au passage 250 millions de dollars par jour à l’industrie aérienne. C’est à ce moment que des spécialistes constatent un changement majeur dans la qualité de l’air : malgré les émissions de dioxyde de carbone (CO2) liées à l’éruption volcanique et qui pouvaient atteindre 150,000 tonnes par jour, l’air était 3 fois plus pur. En effet, en situation de trafic aérien normal au-dessus du continent, l’Agence Européenne pour l’Environnement estime qu’il y a plus de 500,000 tonnes de CO2 qui sont rejetés quotidiennement¹ .

L’avion est le moyen de transport le plus polluant et son impact sur le climat a doublé en 20 ans, le secteur étant en pleine croissance. À lui seul il représente 12% de la pollution émise par les transports, la majorité venant surtout du trafic automobile². Alors que -tous secteurs confondus- l’aviation ne contribue que pour 2% au total des émissions de CO2 dans le monde, le groupe d’experts des Nations Unies sur le climat (GIEC) évaluait l’impact global de l’aviation sur le changement climatique à 5% en 2010 et ceci notamment en raison de l’altitude à laquelle ces émissions sont émises³. Aujourd’hui, les quelques 21,720 avions de ligne en service transportent 3.3 milliards de passagers par année4, phénomène que ni les guerres, ni les crises financières ni les menaces terroristes ne semblent freiner. Mais le secteur aérien prévoit-il d’améliorer son empreinte écologique, ne serait-ce que pour contrebalancer les 7 milliards de passagers prévus pour 20355 ?

Abu Dhabi, UAE, March 1st 2015: Solar Impulse 2 succesfully accomplished the first test flight since the reassembly with the test pilot Markus Scherdel at the controls. Solar Impulse, the only airplane of perpetual endurance, able to fly day and night without a drop of fuel, powered only by the sun’s rays, will attempt the First Round-The-World Solar Flight in 2015. Swiss founders and pilots, Bertrand Piccard and André Borschberg, hope to demonstrate how pioneering spirit, innovation and clean technologies can change the world. Departure is scheduled for early March from Abu Dhabi. The duo will take turns flying Solar Impulse 2, changing at each stop and will fly in order, over the Arabian Sea, to India, to Myanmar, to China, across the Pacific Ocean, to the United States, over the Atlantic Ocean and to Southern Europe or Northern Africa before finfishing the journey by returning to the initial point of departure point. Landings will be made every few days to switch pilots and organize public events for governments, schools and universities.

Il est vrai que pendant longtemps, l’aviation a bénéficié d’un traitement de faveur en étant exonérée de nombreuses taxes sur le kérosène et en bénéficiant d’une TVA clémente, elle qui a également réussi à échapper aux réglementations internationales du protocole de Kyoto (1997). Le secteur ne s’est impliqué que modérément dans la lutte contre le changement climatique et aucun accord pour contrôler les émissions de l’aviation n’a été conclu même sous l’égide des Nations Unies. Mais il est néanmoins important de mentionner que les industriels se sont fixés quelques objectifs - certes faibles – à la veille de la conférence de Copenhague sur le changement climatique en 2009: stabiliser les émissions à partir de 2020 et parvenir à des gains d’efficacité énergétique des avions de 1.5% par an d’ici 2050 (soit 0.5% de moins que l’objectif fixé par l’Organisation de l’avion civile internationale OACI)6. Cependant aucune contrainte légale n’encadre cet engagement.

Toujours est-il que l’aéronautique n’a pas attendu les années 2000 pour chercher à réduire sa consommation, preuve en est que les gros constructeurs Boeing et Airbus consacrent entre 75 et 80% de leur budget de R&D à l’éco-efficacité et ce surtout depuis l’envolée des prix du pétrole des années 19707. Si personne n’est dupe quant aux motivations plus financières qu’idéalistes, le travail a toutefois bien été mené sur l’allègement des structures, l’aérodynamique, les moteurs, les carburants alternatifs et aussi sur le bruit. C’est à ces fins que les constructeurs ont lancé leurs « éco-démonstrateurs », avions-tests pour évaluer les nouvelles technologies. L’éco-démonstrateur 757 de Boeing par exemple va bientôt commencer une phase d’essais, lui qui utilise un système solaire pour alimenter l’électronique. Il est également doté de pièces imprimées en 3D en fibre de carbone pour être plus léger et carbure au « diesel vert » à base de graisses animales, déchets d’huiles de maïs non comestible et de cuisson8.

C’est donc lorsqu’il s’agit de penser l’avion de demain que les énergies renouvelables font leur entrée, car elles sont –dans l’absolu- inépuisables, gratuites et non polluantes. Mais l’instabilité et l’imprévisibilité des ressources, le rendement, la fragilité des installations, le coût lié à la construction et au maintien de ces dernières, et enfin leur stockage expliquent pourquoi elles ne sont pour le moment pas utilisées dans l’aviation commerciale.

Si on se penche sur l’énergie solaire plus particulièrement, nous apprendrons tout d’abord qu’il y a eu pas moins d’une vingtaine de modèles d’avions à propulsion solaire (directes ou indirectes), avec ou sans pilote, qui ont été construits durant les 50 dernières années. Que ce soit Sunrise I et II en 1974, Gossamer  Penguin, Solar One en 1979, Sunseeker en 1990, Helios de la NASA en 2001, le Zéphyr en 2010… tous ces avions ou drones ont tour à tour brisé des obstacles de durée de vol, d’altitude, de poids ou de stockage d’énergie. Mais l’actualité de l’aviation solaire de ces dernières années a été occupée en grande partie par les records de Solar Impulse, une invention que l’on doit à l’ingéniosité de deux aviateurs suisses, Bertrand Piccard et André Borschberg.

En quelques mots, Solar impulse c’est :

  • une idée née en 1999 suite à un tour du monde que Bertrand Piccard a effectué en ballon aux côtés de l’Anglais Brian Jones
  • une étude de projet confiée à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en 2003
  • un prototype d’abord construit, Solar Impulse 1, matricule HB-SIA, dans le but de tester la faisabilité. Il marqua alors l’histoire grâce à son premier cycle de vol jour/nuit en 2010. Deux ans plus tard, il survolera la Méditerranée pour atteindre Ouarzazate
  • un 2ème appareil, le Solar Impulse 2 (SI2), matricule HB-SIB, finalisé en 2013 et avec pour spécificité d’être démontable
  • plus de 17,000 cellules photovoltaïques alimentant 4 moteurs électriques de 17.5 CV chacun
  • des ailes de 72m d’envergure (l’équivalent d’un Boeing 747-8) pour un poids de 2300 kg (l’équivalent d’une voiture)
  • un squelette fabriqué à 83% par la même équipe qui a construit les catamarans Alinghi 2011, l’accent étant mis sur la fibre de carbone pour sa légèreté
  • 633kg de batteries lithium polymère
  • une vitesse de croisière de 70km/h9
  • un cockpit non chauffé de 3.8m3 fabriqué à partir de mousse polyuréthane pour résister à des températures allant de -60 degrés à +40 degrés
  • un seul passager, à savoir le pilote. Celui-ci porte une combinaison en fibre polyamide faisant office d’isolant thermique, qui stimule sa circulation sanguine et ses performances musculaires

SI2 s’est engagé dans son projet de tour du monde en mars 2015, avec comme ville de départ Abu Dhabi. L’équipe a dû faire face à de multiples imprévus comme durant l’épisode d’Ahmedabad où ils ont été retardés par les conditions météorologiques mais aussi par la lenteur administrative des douanes indiennes10. Si l’aventure était initialement prévue pour durer 5 mois, elle s’est toutefois interrompue en cours de route à cause d’un problème de surchauffe des batteries qui était irréversible, suite à l’étape de vol la plus difficile qui durait 5 jours et 5 nuits. Il s’agissait là d’une inadaptation du système de refroidissement par rapport aux ascensions et descentes rapides que l’avion effectue pour optimiser sa consommation d’énergie, le tout dans un climat tropical. L’appareil qui était parti de Nagoya s’est donc arrêté à Hawaï et devrait y rester jusqu’au printemps 2016, avant de faire une 2ème tentative pour terminer le tour et rejoindre la côte Ouest des États-Unis, puis New York, et enfin revenir sur Abu Dhabi. Le report de cette véritable épopée fût un moment difficile pour les concepteurs de SI2 et amènera Bertrand Piccard à s’exprimer en ces termes: The Pacific has really rejected me this year11.

Malgré cela, ce premier voyage constitue un pas de plus dans la concrétisation du rêve de traverser des continents de jour comme de nuit avec comme seul carburant le soleil. Si le groupe a maintenant besoin de fonds pour continuer à mener à bien son projet (20 millions d’euros sont nécessaires12, et 150 millions ont été dépensés depuis le début du projet) il se focalise avant tout sur le test des batteries à Zürich. C’est surtout « l’après SI2 » qui sera intéressant, quand les idées et avancées technologiques utilisées dans le projet pourront être envisagées dans le secteur de la communication et de l’électronique, dans le transport automobile, dans l’énergie et dans l’habitation13.

Reste à savoir comment l’industrie aéronautique pourrait transposer cette technologie sur les avions de ligne et contourner les obstacles posés par les conditions météorologiques et d’irradiance rarement idéales, le rendement faible des cellules photovoltaïques (oscillant entre 12% et 23%), le poids qui est un facteur crucial surtout de nuit, la fragilité des cellules photovoltaïques, la durabilité des batteries et la vitesse qui aujourd’hui ne dépasse pas 90km/h14.  Après tout, l’avion a souvent été l’objet des fantasmes les plus farfelus et une multitude de machines futuristes ont déjà été imaginés par des designers industriels comme le cabinet Oscar Vinals et son « Progress Eagle », avion qui utiliserait le photovoltaïque, l’éolien et l’hydrogène mais qui relève pour l’instant davantage de la fiction que de la réalité. D’ici là, le problème de la pollution des hydrocarbures persistera, l’aviation n’ayant trouvé qu’une solution intermédiaire en ayant recours au  système d’échange de droit d’émission de carbone, marché qui a le désavantage de n’impliquer que les vols intra-européens15.

Sources:

¹http://www.actualites-news-environnement.com/23430-eruption-volcan-Islande-emissions-CO2.html
²http://www.lefigaro.fr/societes/2015/06/17/20005-20150617ARTFIG00010-des-avions-de-moins-en-moins-polluants.php
³Aviation et écologie : le défi, Europolitique, supplément au no 4092, 29.11.2010
4Estimation 2014
5http://psk.blog.24heures.ch/archive/2015/06/20/le-boeing-ecodemonstrator-b757-etend-ses-essais-859143.html
6http://lesdessousdelaviation.org/
7http://www.lefigaro.fr/societes/2015/06/17/20005-20150617ARTFIG00010-des-avions-de-moins-en-moins-polluants.php
8http://psk.blog.24heures.ch/archive/2015/06/20/le-boeing-ecodemonstrator-b757-etend-ses-essais-859143.html
9http://info.solarimpulse.com/en/our-adventure/hb-sia/#.VgB2ikJIgpw
10http://www.rts.ch/info/sciences-tech/6629214-l-equipe-de-solar-impulse-exasperee-par-la-lenteur-administrative-en-inde.html
11http://info.solarimpulse.com/timeline/view/8070#.VgEg-zjouE0
12http://www.24heures.ch/vaud-regions/solar-impulse-besoin-20-millions-repartir/story/30953793?track
13Science Magazine, revue no 47, La formidable aventure du Solar Impulse
14 http://www.planete-energies.com/fr/medias/decryptages/l-avion-solaire-le-defi-de-solar-impulse-2
15http://www.lemonde.fr/climat/article/2015/06/18/l-aviation-civile-en-roue-libre-sur-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre_4657266_1652612.html

Crédit photo : Solar Impulse (tous droits réservés)

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One comment on “Transport aérien zéro-fuel : entre fiction et réalité”

  1. Cet article est très intéressant, comme dans beaucoup de situations, la solution est trouvée dans un marché où on s'échange des droits d'émissions . Sais-tu quel pays ou compagnie échange le plus ses droits d’émission de carbone? Et à quel prix? Comment fonctionne ce marché?

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