Suite à notre échange avec Nicolas Tamayo Lopez, président et co-fondateur de Lyoxa, dans " Lyoxa : Une association avant-gardiste de collectivisation des savoirs ", nous avons voulu en savoir un peu plus. Celui-ci a accepté de partager avec nous sa vision de l’association et de ses composantes, ainsi que du fundraising associatif, à travers ses expériences.
Un tissu associatif varié
Les membres de Lyoxa ont été surpris par la variété du monde associatif genevois, ainsi que par le nombre d’associations existantes. En effet, les objectifs des associations en Suisses sont variés. Les associations peuvent passer d’un club de Jass à une association de jeunes engagés.
Ainsi, en Suisse, la forme associative ne se caractérise par uniquement par son objectif idéal, mais aussi par sa structure. C’est une forme juridique permettant à des personnes de s’unir pour un but, et de se placer dans un marché, avec un positionnement idéal prédominant.
L’importance du bagage en communication pour un fundraiser
Avoir une vision et des compétences en communication est d’une importance primordiale pour la levée de fonds au sein des associations. En effet, contrairement à un acteur de marché se situant dans un rapport d’échange, l’acteur associatif est le plus souvent dans un rapport unilatéral, sauf lorsqu’il s’agit d’un rapport de sponsoring (où une forme de publicité est marchandée).
En matière de prestation, les associations ont ainsi rarement quelque chose à offrir aux personnes qui les soutiennent à travers des dons, si ce n’est la satisfaction idéologique de contribuer à une cause qui leur est chère.
Ainsi, la ligne communicationnelle est fondamentale, et notamment l’habileté à faire passer un même message de manière différente selon les donateurs visés. Un fundraiser (ou collecteur de fonds) doit donc avoir une compréhension approfondie des différents milieux pour saisir les opportunités et adapter son discours à ses interlocuteurs.
Par exemple, le discours concernant la levée de fonds, porté au niveau institutionnel ou au niveau privé est bien différent.
De manière générale, le public est sensible à un bon pitch de projet qui peut amener à un engagement plus accessible, de la part du milieu public. Par contre, dans le domaine privé, le rapport à l’efficience et à l’investissement est primordial. La ligne communicationnelle est donc à travailler de manière plus ciblée.
Exigences élevées des bailleurs de fonds
Actuellement, les exigences des bailleurs de fonds sont élevées vis-à-vis des associations et des organisations non gouvernementales (ONG) qui font une demande de fonds.
Par exemple, beaucoup demandent des cadres logiques, des indicateurs permettant de mesurer la performance du projet et de ses activités ou encore la mise en place de systèmes d’évaluation des risques complexes. Selon Nicolas Tamayo Lopez, ce type de processus est notamment dû à la translation des normes de fundraising du monde des fondations à celui des associations, alors que ces deux entités se différencient amplement.
La fondation donne une personnalité juridique à des fonds dans un objectif précis, découlant souvent de la volonté du fondateur. La personne est alors secondaire, et la fondation perdure après le fondateur. Quant aux associations, ce sont des personnes qui se réunissent pour un objectif précis, levant des fonds pour atteindre ce but.
Ainsi, les fondations font face à des exigences élevées, dues à une longue pratique en matière de philanthropie, aux normes anti-blanchiment d'argent et aux diverses normes d’auto-régulation.
Malgré des différences essentielles, ces exigences se sont peu à peu reportées dans le monde associatif, par amalgame entre ces formes qui peuvent toutes deux poursuivre un but idéal. Toutefois, dans la réalité, il est beaucoup plus difficile de répondre à ce type d’exigences pour une structure associative, que pour une fondation, notamment en raison de l’absence de fonds initiaux.
État du fundraising en Suisse – à Genève
Nous constatons actuellement que les bailleurs de fonds publics sont de moins en moins enclins à donner des subventions. En effet, la politique interne essaie de créer une forme d’autonomie financière dans le milieu associatif. Les bailleurs de fonds publics investissent notamment dans des formations de fundraising à destination des acteurs du milieu associatif. Le but consiste à leur donner les outils afin que les associations aillent ensuite chercher des fonds dans le privé. Mais comme souligné précédemment, il est plus difficile de lever des fonds dans le privé, car les attentes sont plus élevées.
D’autre part, avec la crise sans précédent liée au COVID-19, l’avenir du fundraising associatif s’annonce compliqué. En effet, certains bailleurs de fonds importants comme la Loterie Romande ont subi beaucoup de pertes. Et les autorités publiques ont dû mobiliser des financements, ce qui induit des coupes de subventions et de financements des associations.
Des solutions alternatives au fundraising pour les associations
Malgré la période compliquée qui s’annonce en termes de fundraising, la bonne nouvelle est qu’il existe de nombreuses solutions alternatives à la recherche de fonds. Nicolas Tamayo Lopez a remarqué que beaucoup d’associations surestiment la recherche de fonds. Celles-ci se lancent en effet dans la recherche de fonds dès leur création, alors qu’il existe d’autres moyens pour réaliser leurs projets. La question à se poser est la suivante : Comment faire autrement qu’avec des financements ?
Des alternatives aux financements
Donnons un exemple concret : trouver du matériel pour faire des potagers. Au lieu de se lancer dans un dossier de demande de subventions, une solution possible serait de préparer un pitch sur le projet et d’aller voir une entreprise de construction pour récupérer une partie du matériel nécessaire, dont celle-ci allait se débarrasser. Ce démarchage peut permettre au projet de se constituer d’une autre manière, tout en donnant le même résultat, et passer en plus par un circuit de recyclage de matière.
Un autre danger est celui de viser trop gros dès le début. Si une association demande des financements trop élevés, il y a un gros risque que cela ne fonctionne pas. En effet, la création d’un socle de confiance est nécessaire. Il est donc primordial d’avoir des activités préétablies et solides, et de les faire fonctionner sans financement, afin de montrer l’utilité des projets et la bonne gestion de ces derniers. De cette manière, une relation de confiance peut s’établir, et des fonds peuvent être accordés.
Finalement, la question principale à se poser avant de se lancer dans une demande de fonds est simplement : Pourquoi ? Avons-nous vraiment besoin de ces fonds ? Qu’allons-nous faire avec ?
La période compliquée que nous traversons risque ainsi d’avoir des répercussions sur les ressources financières disponibles pour les acteurs associatifs. Ceci étant couplé à la complexification des exigences liées au fundraising, il est temps d’être créatif afin de trouver des alternatives, qui, bien heureusement, existent.
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