Nous avons rencontré Nathalie Rossi, responsable du Département des ressources humaines à la Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne (BCUL). Elle nous a expliqué son métier, ainsi que l’évolution et l’adaptation de celui-ci face aux nouvelles technologies qui évoluent de plus en plus rapidement.
Présentation de Nathalie Rossi
Nathalie Rossi travaille à la BCU depuis une dizaine d’années. Son travail est assez polyvalent, et consiste notamment à gérer les dossiers du personnel, à s’occuper du recrutement des nouveaux collaborateurs et de la gestion des conflits éventuels entre ceux-ci.
Présentation de la BCUL
La BCUL est répartie sur cinq sites. Tout d’abord, le siège principal sur le campus à Dorigny regroupe les documents en sciences sociales, en lettres, en histoire, en anthropologie, en droit, ainsi que tout ce qui est en rapport avec les disciplines enseignées à l’université. Une autre petite bibliothèque située sur le campus est celle de droit et des sciences économiques. Ensuite, le site de la Place de la Riponne, situé au centre-ville, est destiné au grand public. Il met à la disposition du public toutes sortes de documents, journaux, magazines, livres, partitions musicales, de même que des CD et DVD. Ce site s’occupe aussi du dépôt légal, ce qui permet de conserver tous les imprimés vaudois. La bibliothèque de la Haute Ecole Pédagogique, et depuis peu celle du Gymnase de Provence, constituent les derniers sites.
A Dorigny, plusieurs lieux spéciaux sont mis en place. Tout d’abord, Cinespace est conçu pour visionner les contenus multimédias sur place. Les livres anciens sont conservés au service des manuscrits, dans de bonnes conditions de conservation et de sécurité. Il est important d’éviter qu’ils ne se détériorent et de pouvoir les conserver le plus longtemps possible. Certains de ces livres datent du Moyen-Age, comme par exemple une grande Bible du douzième siècle intacte avec de nombreuses enluminures, ou encore un parchemin du Tibet du onzième siècle écrit en sanskrit. Enfin, le service des livres précieux conserve les premiers imprimés, les incunables, ainsi que certains livres anciens et modernes rares ou à tirage limité.
La bibliothèque organise un exercice de conservation des documents tous les quatre ans, afin de savoir réagir au mieux en cas de catastrophes (inondations ou incendies), et récupérer ainsi que restaurer les ouvrages endommagés. Certains livres anciens sont numérisés, comme cette fameuse Bible. Ainsi, chacun peut les lire en ligne.
Profils recherchés
En plus de certaines compétences spécifiques demandées suivant le poste visé, nous pouvons déterminer quelques caractéristiques générales des profils recherchés. Tout d’abord, nous recherchons une personne attirée par la littérature en général, qui soit à l’aise avec les contacts humains ainsi qu'avec les outils de bureautique habituels. De plus, la bibliothèque étant de plus en plus ouverte aux nouvelles technologies, des personnes intéressées par ce domaine nous intéressent également. Au niveau des langues, un niveau B2 en anglais est souvent demandé, de même qu’un niveau B1 en allemand si possible. Il faut donc des personnes motivées, capables de travailler de façon autonome et méthodique.
Compétences du bibliothécaire idéal
Il existe des compétences plus spécifiques aux bibliothécaires. Tout d’abord, le futur employé doit être à l’aise dans le contact avec les usagers, car une bonne partie du travail est du service au public (accueil, aide dans les recherches documentaires et bibliographiques, formation aux usagers...). Maîtriser les bases de données et les outils de recherche est aussi important. La connaissance d’un SIGB (Service Intégré de Gestion de Bibliothèque), logiciel destiné à la gestion des diverses activités d’une bibliothèque, constitue un atout supplémentaire.
Processus de recrutement
Nathalie Rossi préfère recevoir les dossiers de candidature par courrier. Les lettres de motivation sont ainsi plus personnalisées et la personne se donne, en général, plus de peine pour faire une jolie mise en page et un dossier adapté au poste. Alors que celles envoyées par courriel le sont moins et semblent plus anonymes. Il est important, d’après elle, de mettre une jolie photo, sinon mieux vaut ne pas en mettre.
Quand un poste est ouvert, beaucoup de dossiers parviennent aux Ressources Humaines. Une fois que les candidats ont postulé, un accusé de réception est envoyé. Mme Rossi regarde d’abord le CV, afin de vérifier si la personne a la formation de base exigée et de savoir où elle a travaillé auparavant. Ensuite, si la lecture du CV était intéressante, elle va lire la lettre de motivation. Les CV reçus sont souvent assez brouillons et difficile à comprendre, ce qui ne donne même pas envie de voir la personne. C’est la raison pour laquelle il est important qu’ils soient clairs et synthétisés, mettant en évidence les atouts, les points forts, la formation initiale et continue, les compétences informatiques, ainsi que les hobbys et les intérêts.
Si le candidat est invité à un entretien, cela signifie que la lecture du dossier a permis de se faire une bonne idée générale de la personne. Ensuite, deux entretiens sont organisés, rarement trois, à part pour des postes spécifiques dans la direction ou en tant que chef d’équipe, par exemple. Nathalie Rossi et le responsable de l’équipe dirigent le premier entretien. Ce dernier pourra mieux vérifier les compétences techniques du candidat, alors que Nathalie Rossi va plutôt tenter de cerner la personnalité et les réactions du candidat dans certaines situations. Il est également courant de faire passer des tests de personnalité. Nathalie Rossi n’est en général pas présente à ce deuxième entretien. Le responsable du département va plutôt s’en charger, avec quelqu’un d’autre parfois, mais tout dépend du poste. S’il s’agit d’un poste assez élevé hiérarchiquement, la directrice sera aussi présente, par exemple. Enfin, après ces deux entretiens, un choix définitif va être effectué.
Si deux CV correspondent parfaitement au profil de poste préalablement établi, l’entretien de recrutement fait la différence. Il détermine si la personne a les connaissances correspondantes à son CV, et permet d'évaluer sa personnalité. Il est également important que la personne puisse bien s’intégrer dans l’équipe et être à l’aise avec les clients. La priorité est donnée aux personnes curieuses, motivées, sympathiques, ouvertes aux nouvelles technologies, et ayant envie d’apprendre.
A chaque étape du recrutement, une sélection de dossiers est faite. Pour le premier entretien, six à huit dossiers sont généralement retenus. Puis, pour le second, le choix se restreint à deux dossiers maximum et débouche sur l’engagement du nouvel employé. A ce moment-là, le service du personnel fixe le salaire, ainsi qu’une date d’entrée. La personne peut alors commencer son emploi.
L'équipe des ressources humaines répond à tous les candidats, même si cela peut prendre un peu de temps. En général, ils essaient de terminer tout le processus de recrutement en plus ou moins deux mois. Une fois que le choix du candidat a été arrêté, une réponse est envoyée à tous les autres candidats.
Personnel fixe & temporaire
La BCUL emploie 140 personnes fixes. Au niveau des bibliothécaires, nous trouvons les Agents en Information Documentaire, avec un Certificat fédéral de capacité (CFC) travaillent plutôt dans les services du prêt, ainsi que dans d’autres secteurs tels que le service des manuscrits, le prêt inter-bibliothèques, ou encore celui des périodiques. Ensuite, les Spécialistes en Information Documentaire (bachelor) cataloguent principalement les documents. Enfin, les personnes qui s’occupent de la sélection des documents ainsi que de l’indexation ont obtenu soit une formation en lettres à l’Université, soit un master en Information Documentaire. En parallèle, la bibliothèque emploie d’autres personnes, telles que des secrétaires, un graphiste, un photographe, un webmaster, ou encore des informaticiens pour différents services. Il existe également une section communication, une section finances, la reliure artisanale, un spécialiste web et médias sociaux, et un responsable des ressources numériques.
La bibliothèque emploie également du personnel d’appoint, c’est-à-dire des stagiaires, des auxiliaires, des apprentis, des civilistes, ainsi que des demandeurs d’emploi et des étudiants pour certains travaux. Environ 140 personnes temporaires sont ainsi employées chaque année. Par exemple, les étudiants de l’Université vont s’occuper de ranger les livres, une fois que les lecteurs les ont rendus, étant donné le grand nombre d’ouvrages restitués. Les étudiants sont aussi engagés pour la surveillance du soir. Les guichets du prêt ferment à partir de 18 heures, mais le libre-accès reste ouvert. Chaque année, deux nouveaux apprentis Agents en Information Documentaire commencent et deux finissent. En plus, la bibliothèque emploie aussi un apprenti employé de commerce et un médiamaticien.
Nouvelles compétences et profils
Des nouveaux métiers avant-gardistes liés aux nouvelles technologies apparaissent. Par exemple, un poste en tant que spécialiste métadonnées a été créé récemment pour l’équipe des collections académiques.
Des séminaires, des cours de formation et des congrès sont souvent organisés dans le cadre de la formation continue. Selon Nathalie Rossi, à l’étranger, les formations sont un peu plus poussées qu'ici en Suisse. En France par exemple, l’ENSSIB (Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques) à Lyon organise souvent des formations bibliothéconomiques. Au niveau de la Suisse, la BIS (Bibliothèque Information Suisse), qui est une association de bibliothécaires en organise également.
Nouvelles technologies
Les nouvelles technologies prennent de plus en plus de place dans le monde en général, ainsi que dans les bibliothèques en particulier, changeant les choses en profondeur. Les tablettes, smartphones et autres appareils portables deviennent de plus en plus perfectionnés, et les changements sont assez rapides, rendant les appareils vite obsolètes. L’accès à l’information est aussi de plus en plus facile et rapide.
Pour ce faire, la directrice de la BCUL se rend beaucoup à l’étranger afin de s’informer des pratiques d’autres bibliothèques dans le monde, ainsi que pour partager des connaissances avec ses pairs. Elle voyage notamment dans les pays scandinaves, aux Etats-Unis et au Canada, etc., qui sont en avance dans ce domaine. Il s'agit sans doute d'une question de culture, certaines étant plus attachées au patrimoine et au papier que d'autres. Le but de cette démarche est de s’inspirer de leurs manières de faire, mais aussi de pouvoir faire face aux nouveautés et de rester à jour face aux nombreux changements. Les bibliothécaires doivent donc s’adapter aux nouvelles technologies, et se tenir au courant, afin de pouvoir répondre aux demandes des usagers et de ne pas être dépassés par les nouveautés.
Dans plusieurs bibliothèques en Europe, comme la BCUL, les e-books et les documents numériques font leur apparition, notamment au niveau des périodiques. Des liseuses sont aussi mises à disposition du public au prêt, pour que les usagers puissent se familiariser et voir leurs fonctionnement. Face à ces nouvelles technologies, les jeunes semblent plus ouverts, alors que les anciens semblent plus conservateurs en général. A l'université de Lausanne par exemple, de plus en plus d’étudiants arrivent avec des livres numériques pour leurs études, pour des raisons pratiques. Dans certains pays, comme le Canada par exemple, de plus en plus de livres sont ainsi dématérialisés.
L'avenir des bibliothèques
Nous ne savons pas exactement quelle sera l'évolution des bibliothèques dans l'avenir, mais nous pouvons déjà nous faire une petite idée. Les bibliothécaires doivent et devront faire face aux changements que provoquent ces nouveautés techniques. Les documents dans les bibliothèques sont souvent déjà numérisés et accessibles sur tablettes ou ordinateur, et le seront sans doute encore plus à l'avenir. Cependant, Nathalie Rossi en est convaincue: "le papier restera toujours présent quelque part, même si les nouvelles technologies prennent de plus en plus de place."
Crédit photo: © BCU Lausanne hk